mardi 19 mars 2013

En route vers... Amiens - Par Antoine COUBARD et Julien MOREAU


Je vous propose, Nous vous proposons un nouveau volet de la courte série « En route vers… ».

En effet, cette fois je n’ai pas fait le vol seul… Je vous laisse découvrir la suite de ce récit. 

Nous sommes Dimanche 3 mars, j’ai rendez vous à 16h30 sur le terrain de Toussus-le-Noble avec Julien M. Inutile de vous rappeler que Julien est un membre actif d’IVAO, pilote (oui oui, l’homme au simulateur !), contrôleur… mais aussi pilote privé ! 

Ce soir, nous envisageons un vol sur Amiens Glisy (LFAY) pour aller dîner avec notre ami Gaétan J. (le picard corse… et chef de FIR à ses heures perdues ! ;-)

Pour ce faire, nous avons booké un Cessna 172SP G1000, le F-HFPB. 

Le plan est le suivant : je suis commandant de bord pour le vol aller, qui s’effectue de jour ;  Julien, qualifié VFRN (vol de nuit) aura la charge du vol retour, de nuit !

A l’heure précise, je fais connaissance avec Julien, dans les locaux flambants neufs de A&C. 

Rapidement, on s’installe en salle de briefing pour faire un premier bilan météo. Ce soir la météo est, permettez moi l’expression, « bof bof ». Un voile blanchâtre réduit sensiblement la visibilité.

Voici un extrait de notre dossier météo :

Pour Toussus :
METAR LFPN 031100Z 11007kt 080V160 6000 NSC 04/M01 Q1021=
TAF COURT LFPN 031100Z 0312/0321 09010kt 8000 NSC BECMG 0312/0314 9999 NSW FEW030 BECMG 0316/0318 CAVOK=


Pour Pontoise :
LFPT 031100Z AUTO 09007kt 050V110 4500 BR FEW017 04/M01 Q1022=

Enfin pour Beauvais :
LFOB 031100Z AUTO 07009kt 5000 BR BKN015 02/M01 Q1023=
TAF Long LFOB 031100Z 0312/0412 06010kt 5000 BKN015 BECMG 0312/0314 8000 NSW BECMG 0318/0321 4000 BR BECMG 0406/0409 12010kt 9999 NSW=

La réglementation impose une visibilité horizontale de 8000m pour partir en navigation VFR de nuit… on ne les a pas pour le moment… On veut y croire, et décidons d’aller consulter le prévisionniste à la tour. Selon lui, la visibilité va continuer d’osciller entre 5000m et 7000m… argghhh, il ne manque pas grand-chose !
 
Go ? No-go ? L’avion est équipé avec l’avionique G1000, on a un iPad avec l’application Air Nav Pro qui nous donne en temps réel notre position sur une carte, on ne risque donc pas de se perdre ! 

De plus, Julien est en train de passer son IR national… 

Cependant, nous sommes des pilotes avisés et malgré tout cela il est hors de question de prendre des risques inutiles. Nous décidons donc d’annuler ce vol...

Comme dit le vieil adage: Mieux vaut être au sol et vouloir être en l’air, que d’être en l’air et vouloir être au sol… 

Hors de question de rester sur cette fausse note, et nous sautons donc directement sur le planning et la météo du lendemain.
La météo devrait être sensiblement la même qu’aujourd’hui, mais avec une amplitude thermique beaucoup plus forte et surtout un peu de vent en fin de journée, ce qui devrait permettre de dissiper ces bancs de brumes qui nous gênent tant aujourd’hui.

Un coup de téléphone rapide pour vérifier la disponibilité de notre hôte à Amiens pour le lendemain et nous bloquons l’avion.

Lundi 15h00, je reçois un message de Julien qui me donne le feu vert de son côté. Effectivement, je surveille la météo depuis le matin même, et les prévisions sont meilleures que la veille.

Bis répétita, je retrouve Julien sur le tarmac à 16h30. L’avion rentre de vol. On appelle l’essence pour faire les pleins. Salle de briefing, je présente ma route à Julien. Météo, Notam, papiers avion… Checked !

A 17h, je commence la prévol, puis nous nous installons dans la foulée à bord du C172S immatriculé F-HFPB. Séquence de démarrage moteur (à injection). 

Alors que le démarreur est enclenché, le marshaller fait des grands signes avec ses bras. Il crie « Feu ! ».  Je retire les clés, mixture étouffoir, équipements électriques Off. On sort pour lui demander ce qu’il se passe. Il nous dit avoir vu des flammes sortir de l’échappement… 

Et oui, nous avions complètement oublié que l’avion rentrait tout juste de vol, et donc que le moteur était encore chaud lors du démarrage. De ce fait, en ayant suivi la procédure de démarrage à froid du moteur, nous avons injecté un surplus de carburant dans les échappements, d’où les belles flammes en sortie de ce dernier lors de la tentative de démarrage. Ceci dit, et nos points de vue échangés avec le Marsheller, nous remontons dans l’avion pour une nouvelle  séquence de démarrage (sans injection cette fois-ci !) et le Lycoming de 180ch démarre du premier coup ! 

En ce jour, Toussus est en auto-info, ce qui n’est pas pour nous faire plaisir, c’est tellement plus simple quand nous avons un contrôleur à la tour !

Renseignements pris, on décide de rouler pour la 07L. 

C’est donc à 17h30 que le F-PB prend son envol pour Amiens Glisy afin de retrouver notre hôte de ce soir pour un petit restaurant. 
Premier virage à droite puis second virage toujours à droite, puis nous suivons la vent arrière RM 252° en sortie ouest de la ZRT de Toussus. 

Malgré une visibilité horizontale assez faible, notamment à cause du soleil encore très bas sur l’horizon à cette heure et époque de l’année, tout s’enchaine parfaitement bien et l’air est calme en cette fin de journée.

Premier point tournant au-dessus des étangs de Hollande et il est déjà temps de prendre l’ATIS de Pontoise puis de les contacter pour transiter dans la TMA. 

Nous sommes rapidement autorisés à transiter par SW ou un autre trafic est en sens inverse.

Tout se passe très vite à bord, il faut dire que cette navigation nous fait traverser plusieurs espaces aériens contrôlés. Enfin, rien de bien méchant vu que nos instructeurs ont toujours adorés nous faire traverser ces TMA pendant nos navigations d’instruction, histoire de voir si l’on était assez réactif pour voler au sein de la multitude des espaces qui entourent notre capitale.

A peine le temps de souffler que Pontoise nous transfère à Beauvais, pour le transit. Premier contact, changement du code transpondeur et on reste à l’écoute de toutes instructions qui pourraient changer notre route.

Nous avions bien briefé avant le départ sur ce transit avec Julien, la navigation prévue nous faisant passer verticale des installations de Beauvais ; mais nous sommes prêts à changer notre route, pour passer à l’ouest de la ville, au cas où l’un des Boeing 737 jaune et bleu pointe le bout de son nez au même moment.

On veille attentivement la fréquence et l’on entend effectivement un Ryanair en finale. Tout est prêt dans l’avion pour changer notre route mais le 737 se pose, alors que l’on est encore à une minute du point Sierra.

Dès que la contrôleuse a eu fini de donner les instructions de roulage à l’avion de Ryanair, cette dernière nous autorise à transiter par la verticale des installations puis le point Novembre.

On profite de la vue sur LFOB pour voir les trois ou quatre Boeing de la compagnie Low Cost, puis on se reconcentre sur la fin de notre navigation.

Une fois sortie de la TMA de Beauvais, c’est beaucoup plus tranquille. Nous contactons Lille information pour avoir le Service d’Information en Vol et nous pouvons tranquillement briefer l’arrivée sur Amiens.
Ca sera une intégration standard avec un passage à la verticale des installations pour confirmer le vent local puis une intégration dans le circuit pour un complet.

On passe donc verticale terrain, intégration standard dans le circuit de piste, la 12 en service, vent arrière avec la luminosité orangée du soleil couchant. 

Il est 18h25 lorsque l’on peut entendre sur la fréquence « Amiens, F-PB au parking, nous quittons la fréquence. Bonne soirée ». 
Notre hôte du soir n’est pas encore arrivé… C’est notre faute, dans la précipitation on a complétement oublié de le prévenir de notre départ.

Pas de soucis, un petit coup de téléphone (que ferions-nous sans les portables aujourd’hui ?) et le temps que Gaëtan nous rejoigne à l’aérodrome, nous sécurisons l’avion et remplissons les papiers. 

Le temps de faire faire le tour de l’avion à note hôte qui nous a rejoints, et nous sautons dans sa voiture pour nous rendre au restaurant qui se trouve à quelques kilomètres du terrain.

C’est notre première rencontre à tous trois, en tous cas en chair et en os, puisque nous avons déjà longuement conversé sur le réseau à maintes reprises.

Le dîner et tranquille. Nous partageons nos avis et nos expériences sur IVAO, sur notre vie professionnelle et d’étudiant.
Seule moyen de casser l’ambiance, préparer le voyage retour, et donc prendre la dernière météo… grosse erreur !
Le dernier METAR à Toussus annonce 7000 mètres de visibilité et nous n’avons donc plus les minimas en VFR de nuit pour rentrer.
Un ange passe, le temps que Julien peste contre la complexité du théorique IFR national Français. Vivement que ce soit terminé et que l’on puisse voler en IFR de beau temps comme c’est le cas ce soir !!!

Pas de panique cependant, nous décidons de finir le repas tranquillement et on verra l’évolution de la météo d’ici là, sans perdre de vue que Toussus le Noble ferme à 22h30, et que nous avons environ une heure de vol sans vent pour rejoindre notre base de départ.

20h10, le dîner est fini par un bon dessert qui tient bien au corps pour supporter le froid glacial qui s’est installé dehors en ce début Mars. Il est temps de reprendre une météo.

Nous poussons un gros ouf de soulagement, le dernier METAR de Toussus le Noble annonce une visibilité supérieure à 8000m.
On saute dans la voiture de Gaëtan et décidons de partir rapidement. 5min30s plus tard, on rejoint l’avion sur le parking obscur de l’aérodrome. 

Pendant que Julien dépose le plan de vol (obligatoire en navigation VFRN) avec Lille, je m’occupe de la prévol, à la lampe torche ! Toutes les lumières fonctionnent toujours (vérifiées au départ, mais sait on jamais !)

Nous prenons congé de notre hôte, et commençons la séquence de démarrage.

Je suis à présent en place droite, Julien est le captain ! Dans le cockpit, on y voit rien, il fait nuit noire dehors et tout se fait à la lampe torche ! 

Démarrage, puis on rentre le plan de vol dans le MFD. La route retour est un peu plus longue qu’a l’aller ; les transits obligatoires en VFR de nuit nous imposant de rejoindre Toussus en suivant la route Epernon, Rambouillet puis enfin Toussus. On ira donc un peu plus à l’ouest qu’à l’aller.

21h10, pleins gaz, les roues du F-PB se détachent de la piste gondolée d’Amiens. On monte à 3000ft vers la branche de vent arrière 12, avec une vue superbe sur Amiens… by night ! 

L’éclairage public donne du relief à l’agglomération. Verticale des installations, on salue une dernière fois Gaétan, et contactons le Service d’Information de Vol de Lille pour activer notre plan de vol 


Dehors, c’est l’obscurité la plus totale. Cependant, certains repères restent facilement identifiables : champs éoliens, antennes, autoroutes, villes… 

Après quelques minutes de vol, Lille nous demande de contacter l’approche de Beauvais. Aussitôt demandé, aussitôt fait.
Nous allons passer à l’ouest de la ville toujours en route vers le VOR d’Epernon où nous rejoindrons le transit obligatoire à 2000ft.
En sortie de TMA, la très gentille contrôleuse nous propose d’abord de passer sur Seine Information pour avoir les SIV, mais très vite elle nous informe que ces derniers sont fermés la nuit. Elle nous propose de voir avec De Gaulle Approche s’ils peuvent nous prendre en charge.
On lui répond que nous sommes intéressés, et plutôt deux fois qu’une !
Quelques secondes plus tard le verdict tombe, nous devons contacter De Gaulle approche.

C’est donc au milieu d’une fréquence chargée en ce lundi soir, que le F-PB contacte CDG. « Charles de Gaulle, Bonsoir du F-HFPB. Un Cessna 172, provenance Amiens, destination Toussus, 3000ft, 2 personnes à bord »… et une vitesse sol de 90kt, mais ca on lui a pas dit ! ;-) De fait, on a 30kt de vent de face… 

C’est le silence dans le cockpit, nous sommes trop occupés à écouter la fréquence de Paris. « Air France XXX, vitesse 220kt, descendez FL070, guidage radar 08R». « EZYXXX pourrions nous garder une vitesse élevée, nous avons un peu de retard ». Bref, nous étions au milieu de tout ce beau monde, jusqu’à ce que Charles de Gaulle, nous transfère à Orly, où régnait la même ambiance. 
Quel bonheur de se retrouver au milieu de tous ces liners sur la fréquence. On a même un peu honte de passer un message… 
Un petit coup d’œil rapide sur le plan de vol affiché au MFD, notre heure estimée d’arrivée à Toussus est calculée à 2128Z … Aïeee, ça va être tendu, le terrain ferme à 22h30 locale… 


Julien joue avec les paramètres moteurs afin d’avoir les meilleures performances possibles. Au même moment, Orly ne manque pas de nous rappeler l’heure de fermeture de Toussus, et nous demande une estimée.
Julien répond sur un ton calme, pas de soucis on sera posé à 21h28 UTC.

Nous arrivons péniblement à EPR à 2000ft, comme nous l’impose le transit VFR de nuit pour l’arrivée sur Toussus par l’ouest,  puis nous prenons un cap vers RBT tout en préparant notre arrivée.

Toussus sera dans tous les cas en auto information à cette heure tardive, et au vu de la configuration à Orly, les 07 seront en services.
Il faudra bien penser à activer le balisage de piste via le PCL et tout se passera bien.
Nous profitons de ce moment un peu calme avant l’arrivée sur RBT pour quitter et remercier Orly Approche, et nous nous annonçons sur la fréquence Air to Air de Toussus, où il règne le plus grand silence… A cette heure-ci, nous sommes tout seul et nul doute que l’on sera les derniers à se poser aujourd’hui.

Julien appuie 3 fois sur l’alternat de la radio pour allumer les lumières de piste et, passés RBT, nous faisons route vers TSU en descente vers 1600ft (et oui en VFR de nuit, on vole en VFR dans la classe A de Paris). Nous commençons à ouvrir les yeux pour trouver le terrain. 

Et là, c’est le vide dans le cockpit, il y a pleins de lumières dehors, mais impossible de mettre la main sur Toussus… 
Pas de panique, on zoom sur le MFD et on constate que nous sommes presque vertical ! 

Julien essaie donc à nouveau d’allumer le balisage de piste… et arrive finalement à l’enclencher.
Il est trop tard pour envisager un atterrissage serein, on rentre donc dans le circuit de piste, et effectuons un circuit de piste 07. 
Le vent s’est franchement renforcé par rapport à notre départ, il vient du nord avec des rafales de 15kt, ca promet un bel atterrissage vent de travers !

Nous nous poserons finalement  à 22h28 locale sur la 07L. Oufff ! 

Nous roulons tranquillement au parking d’A&C où nous parkons  notre carrosse du soir (tout dernier venu dans la flotte d’ailleurs).
Le temps de sécuriser l’avion comme il se doit pour la nuit et de vaquer aux tâches administratives qui nous incombent, et il est temps de rentrer chez nous avec pleins de souvenirs en tête.

Mes premières impressions pour ce 1er vol de nuit ?
 G-E-N-I-A-L ! C’est une autre manière de voler, qui se rapproche de l’IFR. Le fait de passer à proximité d’agglomérations éclairées, donne d’une part l’impression que ces agglomérations sont plus importantes que ce qu’elles ne sont réellement, et d’autre part, on se laisse rêver et on se prend pour « un gros ». 


Bref, ce fût un très beau vol !

En espérant que ce récit vous ait plus.

A bientôt,

Julien & Antoine